Buzzword pour certains, révolution pour d’autres, le Web3 est l’une des grandes tendances tech depuis quelques années. Son apparition dans la sphère médiatique est concomitante avec l’explosion des protocoles décentralisés, dont ceux de la finance décentralisée (DeFi), à partir de 2019.
Cependant, la définition du Web3 n’est pas clairement fixée. On y met plusieurs termes comme la blockchain, la décentralisation, la transparence ou l’absence d’intermédiaires. Mais peut-on aller plus loin ? Les protocoles actuels répondent-ils réellement à cette définition ? Peut-on effectivement se passer d’intermédiaires ?
S’il existe un Web3, vous vous doutez bien qu’il y a aussi un Web 1 et un Web 2 !
Le Web 1, ce sont les premiers pas de l’internet grand public, celui pour effectuer des recherches et lire des informations. C’est l’époque des années 1990, notamment avec Netscape et les premiers fournisseurs d’accès. Quant au Web 2, c’est l’avènement du partage d’information et de contenu grâce aux réseaux sociaux au tournant des années 2010.
Aujourd’hui, nous sommes toujours sur un internet essentiellement Web 2. Il reste en effet dominé par de grandes entreprises comme Alphabet (Google), Meta (Facebook) et Amazon. Ces géants ont un point commun : la propriété des données des utilisateurs. C’est justement sur ce point que se distingue le Web3.
Né en 2009, le protocole Bitcoin (BTC) est la première approche du Web qui ne s’appelait pas encore Web3. Son objectif est la création d’une monnaie numérique, accessible à tous, dont la gestion est décentralisée et sans intermédiaire. En d’autres termes, l’échange s’effectue de pair-à-pair entre les utilisateurs.
Dans les années 2010, d’autres protocoles sont venus compléter cette définition, comme Ethereum (ETH). C’est justement ce protocole qui a permis la naissance des protocoles décentralisés. Par exemple, avec la finance décentralisée, tout le monde peut obtenir un prêt en cryptomonnaies grâce à un système entièrement automatisé et à une gouvernance décentralisée.
Le Web3 redonne ainsi le pouvoir aux utilisateurs, qui n’ont plus besoin d’un intermédiaire qui centralise les données. Dans l’exemple de la finance décentralisée, ce n’est pas la banque qui prête l’argent à un utilisateur une fois la garantie apportée. Ce sont les autres utilisateurs eux-mêmes, qui ont déposé des fonds dans le protocole. Ils sont récompensés de leur participation par le versement d’intérêts.
À travers cet exemple, les utilisateurs restent toujours propriétaires de leurs données personnelles. En effet, elles ne sont pas gérées et conservées par une entité centralisée. Par exemple, sur le réseau social décentralisé Lens Protocol, les utilisateurs se connectent grâce à leur propre NFT, auxquels sont rattachées leurs données.
Que ce soit à travers les protocoles de finance décentralisée, le réseau Lens Protocol ou même Bitcoin, la décentralisation est le moteur de ce qu’on nomme le Web3.
Cette décentralisation n’est pas si différente de ce qu’on peut trouver en politique. Pour cette dernière, il s’agit d’une répartition des pouvoirs entre plusieurs entités, de niveaux plus ou moins équivalents, indépendantes entre elles. La Suisse est l’exemple typique du pays décentralisé, où chaque canton peut choisir des règles juridiques différentes sur certaines thématiques, comme la fiscalité.
Comment se présente la décentralisation dans le Web3 ? Tout d’abord, nous parlons plutôt de distribution. Le registre distribué est effectivement l’architecture d’un réseau blockchain, où chaque participant détient une copie de la blockchain. Si l’un d’eux venait à être défaillant, le réseau continuerait de tourner sans difficulté, puisqu’il n’est pas centralisé. Il ne peut donc pas « tomber en panne ».
Ensuite, la décentralisation signifie l’absence de tiers de confiance pour valider les transactions. Tout est automatisé. C’est le cas pour Bitcoin et tous les problèmes fonctionnant grâce aux smart contracts, comme ceux de la finance décentralisée. Ainsi, une fois déployé, un protocole peut fonctionner seul, sans aucune intervention humaine pour valider tel ou tel processus.
Enfin, comme précisé en amont, la décentralisation, c’est aussi la reconquête par l’utilisateur de ses données personnelles.
Les blockchains publiques sont caractérisées par deux éléments presque aussi importants que la décentralisation : la transparence et l’accessibilité.
La transparence, c’est le fait de pouvoir accéder à tout moment au registre des transactions. Tout est visible : transfert de cryptomonnaies, vente d’un NFT, exécution d’un smart contract, etc. Le registre répertorie les échanges entre deux adresses publiques et tout le monde peut le consulter. C’est donc le contraire des institutions centralisées comme les banques, qui conservent elles-mêmes les transactions.
L’autre aspect, c’est l’accessibilité. En anglais, on utilise le terme de permissionless. Cela signifie que tout le monde peut accéder aux protocoles Web3 sans discrimination. Il n’y a pas d’étude de dossier pour accéder à un prêt, par des restrictions géographiques ou encore de censure. Toutefois, c’est justement ce dernier point qui peut poser problème dans ce qu’on appelle le Web3 aujourd’hui.
Ce que l’on appelle le Web3 est aujourd’hui grandement dominé par les plateformes d’échange centralisées. Or, cela remet en cause les caractéristiques présentées.
Tout d’abord, une plateforme centralisée n’est bien entendu pas décentralisée. Il s’agit d’une entreprise classique qui détient vos données personnelles. Même pour les protocoles décentralisés, on peut constater une concentration des nœuds du réseau entre quelques personnes.
Ensuite, certaines de ces plateformes sont opaques et donc non transparentes. L’exemple typique, c’est bien entendu l’affaire FTX. Enfin, il y a des risques de restrictions géographiques voire de censure. Par exemple, les résidents iraniens ou cubains ne peuvent légalement pas accéder à des plateformes basées aux États-Unis en vertu de la réglementation américaine.
Cela fait dire à certaines personnes que le Web3 est un monde utopique, où la décentralisation absolue est vue comme un rêve plutôt qu’une réalité.
Si l’on devait s’essayer à une définition, le Web3 est une évolution d’internet vers la décentralisation, caractérisée par une ouverture à tous et l’absence d’intermédiaires, et où les utilisateurs recouvrent la propriété de leurs données qu’ils peuvent partager entre eux.
Cette définition est objectivement celle qui correspond surtout au protocole Bitcoin, qui est un véritable réseau Web3 : purement décentralisé, ouvert à tous, sans tiers de confiance, robuste. En outre, la mainmise des plateformes d’échange centralisées fait dire à certains que l’on va plus vers un Web 2 amélioré qu’un internet décentralisé.
L’avenir nous dira si le Web3 tiendra toutes ses belles promesses.